07 juillet 2006

discourir devant une pieuvre

medium_vase_octopus.jpgC'est dans la maladie que nous nous rendons compte que nous ne vivons pas seuls mais enchaînés à un être d'un règne différent, dont des abîmes nous séparent, qui ne nous connaît pas et duquel il est impossible de nous faire comprendre : notre corps. [...] demander pitié à notre corps, c'est discourir devant une pieuvre, pour qui nos paroles ne peuvent pas avoir plus de sens que le bruit de l'eau, et avec laquelle nous serions épouvantés d'être condamnés à vivre.

Marcel Proust, Le côté de Guermantes (À la recherche du temps perdu, Pléiade, II, p. 594)

Commentaires

Plus difficile même que dialoguer avec son corps est de s'en représenter l'intériorité, absolument semblable à celle des animaux dépecés que nous voyons ici ou là, avec ses tuyaux dans tous les sens, ses fibres rouges et gluantes, ses membranes visqueuses et palpitantes, et des organes tous fonctionnels, tous nécessaires, tous damoclesques, et qui, sauf au spécialiste dont le regard est dépris d'émotion, semblent indifféremment en bon état ou en panne, nous condamnant à devoir mourir par cette dégoûtante valve-ci plutôt que par cette cartilagiosité-là — alors qu'extérieurement tout est si calme, si lisse, si traitable...

Écrit par : Berlol | 07 juillet 2006

o prosaïquement, et Proust le savait bien, dans la maladie il s'agit vraiment de dialoguer avec son corps, de l'amadouer, d'obtenir qu il nous laisse du répit - et en même temps la gène qu'il représente nous affûte, au moins momentanément. Et quelle que soit nos idées sur la vie, sur lui, il nous devient à ces moments incroyablement cher

Écrit par : brigetoun | 07 juillet 2006

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