26 mai 2006

le propre de la vie

En naissant, l'homme est fragile et souple.
Lorsqu'il meurt, il est dur et raide.
En naissant de la terre, les arbres sont tendres et flexibles.
Morts, ils deviennent secs et rigides.
Rigidité et dureté sont le propre de la mort.
Souplesse et fragilité sont le propre de la vie.
C'est pourquoi une armée lourde et forte sera défaite, et l'arbre puissant et dur s'abattra tout à coup.
Ce qui est grand et fort est en réalité faible, et sera couché au sol.
Ce qui est faible et souple est véritablement sublime et s'élèvera au ciel.


Lao tseu, Tao Te King, 76

Commentaires

Le Chêne et le Roseau

Le Chêne un jour dit au Roseau :
"Vous avez bien sujet d'accuser la Nature ;
Un Roitelet pour vous est un pesant fardeau.
Le moindre vent, qui d'aventure
Fait rider la face de l'eau,
Vous oblige à baisser la tête :
Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d'arrêter les rayons du soleil,
Brave l'effort de la tempête.
Tout vous est Aquilon, tout me semble Zéphyr.
Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage,
Vous n'auriez pas tant à souffrir :
Je vous défendrais de l'orage ;
Mais vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords des Royaumes du vent.
La nature envers vous me semble bien injuste.
- Votre compassion, lui répondit l'Arbuste,
Part d'un bon naturel ; mais quittez ce souci.
Les vents me sont moins qu'à vous redoutables.
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos ;
Mais attendons la fin. "Comme il disait ces mots,
Du bout de l'horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs.
L'Arbre tient bon ; le Roseau plie.
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu'il déracine
Celui de qui la tête au Ciel était voisine
Et dont les pieds touchaient à l'Empire des Morts.

Jean de LA FONTAINE (1621-1695)
(Recueil : Les Fables)

Écrit par : name | 27 mai 2006

Je puis bien concevoir un homme sans mains, pieds, tête (car ce n'est que l'expérience qui nous apprend que la tête est plus nécessaire que les pieds). Mais je ne puis concevoir l'homme sans pensée : ce serait une pierre ou une brute.

Pensée fait la grandeur de l'homme.

L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature; mais c'est un roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser : une vapeur, une goutte d'eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, puisqu'il sait qu'il meurt, et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien.
Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C'est de là qu'il faut nous relever et non de l'espace et de la durée, que nous ne saurions remplir. Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale.

Roseau pensant. — Ce n'est point de l'espace que je dois chercher ma dignité, mais c'est du règlement de ma pensée. Je n'aurai pas davantage en possédant des terres : par l'espace, l'univers me comprend et m'engloutit comme un point; par la pensée, je le comprends.

Pascal
(1623-1662)

Pensées (1670),
fragments 339, 346, 347 et 348 dans l'édition L. Brunschvicg.

Écrit par : name | 27 mai 2006

Merci pour cette contribution tout à fait bien venue.
Sur le même thème il y a aussi le roseau pensant de Pascal, mais je l'ai déjà cité ...

Écrit par : cgat | 27 mai 2006

nos commentaires se sont croisés ...

Écrit par : cgat | 27 mai 2006

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