23 juin 2006

trouver, rencontrer, voler

Comment naissent les livres et les idées parmi les lignes de fuite ? de la rencontre et du vol, plutôt que de l'esprit critique et du jugement :

medium_tarotmat.jpgAvoir un sac où je mets tout ce que je rencontre, à condition qu'on me mette aussi dans le sac. Trouver, rencontrer, voler, au lieu de régler, reconnaître et juger. Car reconnaître, c'est le contraire de la rencontre. Juger, c'est le métier de beaucoup de gens, et ce n'est pas un bon métier, mais c'est aussi l'usage que beaucoup de gens font de l'écriture. [...] Il y a toute une race de juges, et l'histoire de la pensée se confond avec celle d'un tribunal [...] La justice, la justesse, sont de mauvaises idées. Y opposer la formule de Godard : pas une image juste, juste une image. C'est la même chose en philosophie, comme dans un film ou une chanson : pas d'idées justes, juste des idées. Juste des idées, c'est la rencontre, c'est le devenir, le vol et les noces, cet « entre-deux » des solitudes.

Il ne faut pas chercher si une idée est juste ou vraie. Il faudrait chercher une tout autre idée, ailleurs, dans un autre domaine, telle qu'entre les deux quelque chose passe, qui n'est ni dans l'une ni dans l'autre. […] j'essaie d'expliquer que les choses, les gens, sont composés de lignes très diverses, et qu'ils ne savent pas nécessairement sur quelle ligne d'eux-mêmes ils sont, ni où faire passer la ligne qu'ils sont en train de tracer : bref il y a toute une géographie dans les gens, avec des lignes dures, des lignes souples, des lignes de fuite, etc.

Gilles Deleuze ; Claire Parnet, Dialogues (1977, réed. Flammarion Champs, p. 15 et p. 16-17)

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