28 juin 2006
corps sans organes
À la notion de machine désirante répond celle de Corps sans organes (CsO) traquée dans les textes de Beckett et la peinture de Francis Bacon, notamment.
Le corps n'est jamais un organisme […] le corps sans organes s'oppose moins aux organes qu'à cette organisation des organes qu'on appelle organisme.
Gilles Deleuze, Francis Bacon. Logique de la sensation (La différence, 1981, p. 33)
Le syntagme « corps sans organes » est emprunté au schizophrène emblématique Antonin Artaud :
Le corps sous la peau est une usine surchauffée,
et dehors,
le malade brille,
il luit,
de tous ses pores,
éclatés.
Antonin Artaud, Van Gogh le suicidé de la société
Le corps est le corps
il est seul
et n'a pas besoin d'organe
le corps n'est jamais un organisme.
Antonin Artaud, 84, n°5-6, 1948
(cité dans Gilles Deleuze ; Félix Guattari, L'Anti-OEdipe, Minuit, 1973, p. 9 et p. 15)
La notion me reste assez mystérieuse, à vrai dire, mais les textes qui l'évoquent sont très beaux :
Les automates s'arrêtent et laissent monter la masse inorganisée qu'ils articulaient. Le corps plein sans organes est l'improductif, le stérile, l'inengendré, l'inconsommable. Antonin Artaud l'a découvert, là où il était, sans forme et sans figure. Instinct de mort, tel est son nom, et la mort n'est pas sans modèle.
Gilles Deleuze ; Félix Guattari, L'Anti-OEdipe (Minuit, 1973, p. 14)
Le corps sans organe est un œuf : il est traversé d'axes et de seuils, de lattitudes, de longitudes, de géodésiques, il est traversé de gradients qui marquent les devenirs et les passages, les destinations de celui qui s'y développe […] Rien que des bandes d'intensité, des potentiels, des seuils et des gradients. Expérience déchirante, trop émouvante, par laquelle le schizo est le plus proche de la matière, d'un centre vivant et intense de la matière […] ce point insupportable où l'esprit touche la matière et en vit chaque instant, la consomme.
Gilles Deleuze ; Félix Guattari, L'Anti-OEdipe (Minuit, 1973, p. 26)
00:26 Publié dans art, littérature, philosophie | Lien permanent | Commentaires (2) | Envoyer cette note
Commentaires
essayer d'y penser en faisant abstraction du sens litéral, que je vis - là le corps sans certains organes est sauvé de la mort par la douleur, ce qui agit sur la faculté de penser - pardon pour ce squat
Écrit par : brigetoun | 28 juin 2006
pas de problème ...
de toute façon, pour chacun (les miens, d'organes, sont souvent détraqués aussi) la contamination pas le sens littéral est aussi ce qui fait la force émotionnelle de cette expression
Écrit par : cgat | 29 juin 2006
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