29 juin 2006

la position du clown

La sexualité ne peut être pensée que comme un flux parmi d'autres [...]. Quelle triste idée de l'amour, qu'en faire un rapport entre deux personnes, dont il faudrait au besoin vaincre la monotonie en y ajoutant d'autres personnes encore.
Gilles Deleuze ; Claire Parnet, Dialogues (1977, réed. Flammarion Champs, p. 121)

medium_scherrer_position_du_clown.jpgDans un livre court mais très réjouissant, La position du clown. Philosophie pratique des désirs (Anabet, 2006), Jean-Baptiste Scherrer rebondit avec humour sur ce que dit Deleuze de la sexualité. Passant par les métaphores de Proust (encore) ou la préférence crânement avouée de Rousseau pour la fessée, il prend le contre-pied du carcans rigide de discours dogmatiques qui entoure aujourd'hui une pauvre sexualité « surparlée » et surexposée, devenue une obligation hygiénique et réduite à la mécanique des organes génitaux.

C'est l'hypothèse qu'on peut faire grâce aux travaux de Michel Foucault. Le « monde du sexe », cet élément imaginaire, n'est rien d'autre que le produit historique d'une certaine civilisation dans laquelle la sexualité est d'abord un objet de science. Et « l'hypothèse répressive » qu'on agite encore souvent, selon laquelle la sexualité aurait été brimée ou étouffée par les sociétés modernes depuis le XVIIe siècle manque l'essentiel. C'est plutôt la constitution d'une science du sexe qui finit par fonctionner comme répression du sexuel, bien plus profondément que les interdits moraux, parce que complètement à son insu. C'est la transformation du sexuel en affaire de science qui peut faire fonction d'oppression. « C'est de l'instance du sexe qu'il faut s'affranchir si, par un retournement tactique des divers mécanismes de la sexualité, on veut faire valoir contre les prises du pouvoir, les corps, les plaisirs ». […] Là où culmine la scientia sexualis, c'est certainement dans la psychanalyse.

Jean-Baptiste Scherrer, La position du clown (Anabet, 2006, p. 12-13)

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