01 mars 2006

ayas de science-fiction

La possiblilité pour l'homme d'être bientôt capable de créer des êtres doués d'une intelligence dite artificielle lui fait peur.

La littérature (de science-fiction essentiellement, mais pas seulement) est peut-être le lieu où cette question est posée avec le plus de pertinence, car au lieu de s'en tenir à des généralités, les auteurs de fictions doivent confronter les théories ou les intuitions qu'ils peuvent avoir sur le sujet à des personnages et à des situations qu'il sont tenus de rendre réalistes.

Lorsqu'il s'agit d'imaginer ce que pourrait être un monde futur où l'homme aurait à composer avec des êtres qui le surpasserait en intelligence et en complexité, beaucoup préfèrent - sans doute car c'est plus facile - surfer sur les craintes. Certains le font avec talent, comme récemment en France Jean-Michel Truong et son Successeur de pierre.



Littérature, films et séries de science-fiction ont cependant aussi créé un certain nombre de personnages plus complexes et plus nuancés, comme le savoureux Data, l'androïde de Star Trek Next Generation, le caustique Francis de L'Âge de Cristal, h2g2, le robot dépressif du Guide Galactique de Douglas Adams, les ayas (Gloria et ses filles) serviables mais facétieuses des Futurs mystères de Paris de Roland C. Wagner, ou Macno, le "casse-couilles" libertaire des éditions Baleine.

D'autres auteurs ont élaboré tout un monde autour de cette notion, tels Greg Egan dans la Cité des permutants ou plus encore Iain M. Banks, dont le cycle de la Culture est peuplé de vaisseaux et de drones aux noms métaphoriques qui observent avec un attendrissement mêlé d'agacement les humains un peu limités mais tellement amusants et surprenants parfois qui vivent à leurs côtés.

28 février 2006

intelligence artificielle

Si comme l'écrit Proust ci-dessus (pardon ci-dessous, le blog c'est comme les mangas ça se lit à l'envers) " avoir un corps, c'est la grande menace pour l'esprit ", il est en ce début du 21e siècle un espoir de refuge hors du corps pour l'esprit : l'intelligence artificielle. Les progrès technologiques de la robotique, bien qu'encore décevants et balbutiants, n'en sont pas moins très rapides.

Pour les francophones non-scientifiques qui souhaitent se tenir au courant, il existe une ressource incontournable sur le sujet, le site foisonnant et passionnant créé en 2000 par Jean-Paul Baquiast et Christophe Jacquemin : Automates intelligents.
La rubrique Biblionet , notamment, propose des articles très détaillés sur un grand nomre d'ouvrages francophones ou anglophones qui traitent de l'intelligence artificielle, de neurosciences, de nanotechnologies et de pas mal d'autres sujets voisins.
Depuis peu la même équipe propose également deux blogs : Le Blog d'automates intelligents et Philoscience.
L'ensemble est très riche, presque trop riche, et l'on désespère de trouver le temps de lire tout ce qui nous est proposé et de suivre tous les liens.

27 février 2006

nouvelle renaissance

Appelant de leurs voeux une " nouvelle renaissance ", ceux qui rêvent de mutations pour l'humain citent souvent le De la dignité de l'homme du jeune italien Pic de la Mirandole (1463-1494), qui, pour avoir voulu fonder les bases d'une philosophie nouvelle sur la faculté donnée à l'homme de choisir son propre destin, disparut prématurément.

[...] à l'homme naissant, le Père a donné des semences de toute sorte et les germes de toute espèce de vie. Ceux que chacun aura cultivés se développeront et fructifieront en lui: végétatifs, il le feront devenir plante; sensibles, ils feront de lui une bête; rationnels, ils le hisseront au rang d'être céleste; intellectifs, ils feront de lui un ange et un fils de Dieu. Et si, sans se contenter du sort d'aucune créature, il se recueille au centre de son unité, formant avec Dieu un seul esprit, dans la solitaire opacité du Père dressé au-dessus de toutes choses, il aura sur toutes la préséance. [...] Qu'une sorte d'ambition sacrée envahisse notre esprit et fasse qu'insatisfaits de la médiocrité, nous aspirions aux sommets et travaillions de toutes nos forces à les atteindre (puisque nous le pouvons, si nous le voulons).


Pour qui souhaite se reporter à la source, les excellentes éditions de l'éclat proposent parmi leurs livres en accès libre (ou lyber), le texte du discours De la dignité de l'homme en latin, accompagné d'une traduction française, d'une préface, d'une biographie et de notes.

Le simple fait que ce texte - et pas mal d'autres - soit ainsi accessible en ligne est sans aucun doute l'une des conditions des mutations présentes et futures de la pensée humaine.

26 février 2006

humain, transhumain, posthumain

Les progrès des techniques et des sciences se sont considérablement accélérés depuis quelques dizaines d'années. Ils ont déjà transformé la nature (que certains voudraient immuable) de l'homme et la transformeront sans aucun doute encore. Beaucoup le déplorent et, anticipant des mutations cauchemardesques et apocalyptiques, conjurent (en pure perte) les scientifiques de cesser d'expérimenter, voire de refléchir.
D'autres, très minoritaires (surtout en France), souhaitent que les progrès soient accelérés et accompagnés d'une véritable réflexion philosophique. Ils appellent de leurs voeux une mutation profonde de l'humanité, l'avènement d'une posthumanité qui, convenons-en, n'aurait aucun mal à être meilleure que l'humanité actuelle.

Dans Les utopies posthumaines (Omniscience, 2005), Rémi Sussan brosse un tableau chronologique à la fois très fouillé et très clair, critique et bienveillant, des rêves d'avenirs optimistes qu'ont pu faire les hommes, des années 30 à notre début de troisième millénaire, à propos des mutations à venir.
Cet essai très stimulant montre bien notamment comment la réflexion philosophique sur le devenir de l'humain s'est très souvent réfugiée dans les livres de science-fiction, genre malheureusement méprisé par trop d'intellectuels.

Concernant le livre de Rémi Sussan, on peut consulter :
- son blog, Le temps du posthumain,
- son Manuel de survie à l'usage de l'étudiant des religions du futur (dans La Spirale)
ainsi que trois interviews :
- par Laurent Courau pour La Spirale,
- par Eric Holstein pour ActuSF
- et par Max pour Le Cafard cosmique

25 février 2006

cerveau frémissant

Et avoir un corps, c'est la grande menace pour l'esprit. La vie humaine et pensante, dont il faut sans doute moins dire qu'elle est un miraculeux perfectionnement de la vie animale et physique, mais plutôt qu'elle est une imperfection, encore aussi rudimentaire qu'est l'existence commune des protozoaires en polypiers, que le corps de la baleine, etc., dans l'organisation de la vie spirituelle. Le corps enferme l'esprit dans une forteresse ; bientôt la forteresse est assiégée de toutes parts et il faut à la fin que l'esprit se rende. […]
Je savais très bien que mon cerveau était un riche bassin minier, où il y avait une étendue immense et fort diverse de gisements précieux. Mais aurais-je le temps de les exploiter ? J'étais la seule personne capable de le faire. Pour deux raisons : avec ma mort eût disparu non seulement le seul ouvrier mineur capable d'extraire ces minerais, mais encore le gisement lui-même ; or, tout à l'heure, quand je rentrerais chez moi, il suffirait de la rencontre de l'auto que je prendrais avec une autre pour que mon corps fût détruit et que mon esprit, d'où la vie se retirerait, fût forcé d'abandonner à tout jamais les idées nouvelles qu'en ce moment même, n'ayant pas eu le temps de les mettre plus en sûreté dans un livre, il enserrait anxieusement de sa pulpe frémissante, protectrice, mais fragile.

Marcel Proust, Le temps retrouvé, p. 613-614

24 février 2006

cerveau disponible

Il y a beaucoup de façons de parler de la télévision. Mais dans une perspective “business”, soyons réaliste : à la base, le métier de TF1, c'est d'aider Coca-Cola, par exemple, à vendre son produit. Or, pour qu'un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau disponible.
Etienne Le Lay, Les Dirigeants face au changement (Éditions du huitième jour, 2005)

Le " parc humain " c'est aujourd'hui ...

que faire de notre cerveau ?

Cette question est empruntée à Catherine Malabou. C'est le titre d'un petit livre très stimulant dans lequel elle expose avec clarté certaines découvertes récentes des neurosciences.
Philosophe et impatiente, elle incite les scientifiques qui travaillent sur le cerveau à tirer toutes les conséquences humaines et politiques de leurs découvertes. Elle invite également tout un chacun qui se sert du sien à se tenir au courant de ces découvertes et à prendre conscience de ce qu'implique par exemple la notion de plasticité neuronale : " les hommes font leur propre cerveau mais ils ne savent pas qu'il le font " (p. 7)

C'est aussi le propos de ce blog : utiliser les connections de mon propre cerveau, mettre en relation ce que j'ai lu, vu, entendu ici, là, ailleurs, chez Proust ou Greg Egan, Damasio ou Sloterdijk, dans les tableaux de Bosch, les films de Wong Kar Wai ou les épisodes de Star Trek, mêler littérature et cognisciences, peinture et actualité, philosophie et science fiction pour ouvrir des pistes et des lignes de fuite, parce que le monde tel qu'il va ne me plait pas plus que ça. Pour lire, aussi, les commentaires qui pourraient naître d'autres cerveaux en me lisant.

Une citation plus longue pour finir :

La plasticité du Soi, qui suppose qu'il reçoit et se donne à la fois sa propre forme, implique une nécessaire scission et la recherche d'un équilibre entre le maintien d'une constance (ou Soi autobiographique en effet) et l'exposition de cette constance aux accidents, au dehors, à l'altérité en général (l'identité, pour durer, doit paradoxalement s'altérer ou s'accidenter). Il en résulte une tension née de la résistance que constance et création s'opposent mutuellement. C'est ainsi que toute forme porte en elle sa propre contradiction. Et c'est précisément cette résistance qui rend la transformation possible.
Catherine Malabou, p. 145

23 février 2006

pour commencer

::: que faire de notre cerveau ? qui est je ? do androids dream of electric sheep ? quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour ? la singularité est elle proche ? quel est le sexe des mèmes ? pourquoi n'ai-je écrit aucun de mes livres ? quousque tandem ? y-a-t-il une vie après le travail ? pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? peut-on retrouver le temps perdu ? la vérité est-elle ailleurs ? l'univers est-il chiffonné ? to be or not to be ? shopping ou relooking ? faut-il jeter houellebecq avec l'eau du bain ? comment la matière devient-elle conscience ? comment vivre ensemble ? comment sortir de la matrice ? qu'est-ce que c'est ... dégueulasse ? peut-on mettre les mains dans la matière grise ? comment supporter sa liberté ? intelligence artificielle ou bêtise naturelle ? à quoi bon ? qu'est-ce que l'aiguesistence sans événement ? comment savoir ? et caetera ?