28 avril 2006

la mobilisation infinie

Un constat voisin, encore, dans La Mobilisation infinie du philosophe Peter Sloterdijk, que j'ai eu l'occasion d'évoquer déjà : à ériger le mouvement perpétuel, le travail, l'action, la réalisation de soi, l'ascension sociale en but ultime, l'homme moderne s'expose à devenir un « automate » :

Le « dynamisme » moderne a contribué à la conservation de la rigidité la plus a-spirituelle sous des formes supramobiles. Qui veut savoir ce que cela signifie en détail doit chercher la bonne réponse à la question suivante : qu'est-ce que les automates, les entreprises industrielles et les cadres de la politique et de l'économie ont en commun ? et il doit découvrir que ces trois catégories véhiculent la leçon cinétique exemplaire pour les citoyens de la modernité : ces trois catégories leur montrent avec efficacité ce que l'automouvement veut et ce qu'il fait: s'immiscer pour rester engagé dans l'action, se mettre en marche pour se maintenir en mouvement à tout prix. Voilà la haute école de l'automation qui ne connaît pas de différences fondamentales entre les machines intelligentes et les agents humains. Quand le Soi cinétique se met en mouvement et qu'il prend l'initiative, il devient de son « propre » chef l'agence centrale de l'activité auto-activée.

En utilisant comme métaphore les bouchons automobiles, Sloterdijk montre de manière très convaincante comment la mobilisation infinie ne peut que s'inverser en son contraire, l'immobilité :

La société moderne a réalisé au moins l'un de ses projets utopiques, celui de l'automobilisation complète, la situation où chaque Soi majeur se meut lui-même au volant de sa machine qui se meut elle-même. Parce que dans la modernité le Soi ne peut pas être pensé sans son mouvement, le moi et son automobile font métaphysiquement un, comme l'âme et le corps de la même unité de mouvement. L'automobile est le double technique du sujet transcendantal, actif par principe.
C'est la raison pour laquelle l'automobile est l'objet sacro-saint de la modernité, elle est le centre cultuel d'une religion universelle cinétique, elle est le sacrement sur roues qui nous fait participer à ce qui est plus rapide que nous-mêmes. Qui conduit une voiture s'approche du divin, il sent son petit moi s'élargir en un Soi supérieur qui lui donne en patrie le monde entier des voies rapides et qui lui fait prendre conscience du fait qu'il a vocation à une vie supérieure à l'existence semi-animale du piéton.
[...] cet automouvement général se transformait à l'occasion en une immobilité générale. Dans ces instants-là, nous nous rendions compte que - même si personne ne voulait l'admettre - nous étions depuis longtemps chassés du paradis de la modernité et qu'à l'avenir nous devrions apprendre à la sueur de notre front le stop and go postmoderne. Pour cette raison (outre les pannes d'électricité légendaires de New York qui peuvent nous faire rêver) les bouchons monstrueux sur les autoroutes estivales de l'Europe centrale sont des phénomènes importants du point de vue de la philosophie de l'histoire, voire du point de vue de l'histoire de la religion. Ces bouchons font échouer un élément de la fausse modernité, ils marquent la fin d'une illusion - ils sont le Vendredi saint cinétique où s'évanouit l'espoir d'une rédemption par l'accélération. Par ces après-midi brûlants de chaleur dans l'entonnoir de Lyon, dans l'enfer de la vallée du Rhin près de Cologne - au Irschenberg, on se trouve coincé sur le parking le plus long d'Europe, pare-choc contre pare-choc sur 50 kilomètres devant soi et derrière soi -, de noires intuitions historico-philosophiques s'élèvent comme des gaz d'échappement, des mots critiques pour la civilisation, prononcés en glossolalie, s'échappent des lèvres, des nécrologies de la modernité parviennent des fenêtres latérales, et indépendamment de leur niveau d'instruction, les occupants des voitures éprouvent le pressentiment que cela ne pourra plus durer longtemps. Il y a des signes avant-coureurs d'une nouvelle « ère ». Même celui qui n'a jamais entendu le mot postmoderne s'est déjà familiarisé avec ce phénomène par ces après-midi dans les bouchons. Et en effet, on peut formuler ce phénomène du point de vue de la théorie de la civilisation : partout où les automouvements déchaînés provoquent des bouchons ou des tourbillons, des rudiments d'expériences naissent ; en elles, l'actif moderne se transforme en un passif postmoderne.

La Mobilisation infinie. Vers une critique de la cinétique politique (Bourgois, 2000, traduction de Eurotaoismus. Zur kritik der politischen Kinetik, 1989, p. 38 et 39-41 dans l'édition Points Seuil)

27 avril 2006

éloge de la fuite

Ces conseils rejoignent ceux que donne, dans le très beau premier chapitre, intitulé « Autoportrait », de son Éloge de la fuite (Robert Laffont, 1976), le biologiste Henri Laborit :

[…] chaque homme saura qu’il n’exprime qu’une motivation simple, celle de rester normal. Normal, non par rapport au plus grand nombre, qui, soumis inconsciemment à des jugements de valeur à finalité sociologique, est constitué d’individus parfaitement anormaux par rapport à eux-mêmes. Rester normal, c’est d’abord rester normal par rapport à soi-même. Pour cela, il faut conserver la possibilité « d’agir » conformément aux pulsions, transformées par les acquis socio-culturels, remis constamment en cause par l’imaginaire et la créativité. Or l’espace dans lequel s’effectue cette action est également occupé par les autres. Il faudra éviter l’affrontement, car de ce dernier surgira forcément une échelle hiérarchique de dominance et il est peu probable qu’elle puisse satisfaire, car elle aliène le désir à celui des autres. Mais, à l’inverse, se soumettre c’est accepter, avec la soumission, la pathologie psychosomatique qui découle forcément de l’impossibilité d’agir selon ses pulsions. Se révolter, c’est courir à sa perte, car la révolte si elle se réalise en groupe, retrouve aussitôt une échelle hiérarchique de soumission à l’intérieur du groupe, et la révolte, seule, aboutit rapidement à la suppression du révolté par la généralité anormale qui se croit détentrice de la normalité. Il ne reste plus que la fuite.
Il y a plusieurs façons de fuir. Certains utilisent les drogues dites « psychotogènes ». D’autres la psychose. D’autres le suicide. D’autres la navigation en solitaire. Il y a peut-être une autre façon encore : fuir dans un monde qui n’est pas de ce monde, le monde de l’imaginaire. Dans ce monde on risque peu d’être poursuivi. On peut s’y tailler un vaste territoire gratifiant, que certains diront narcissiques. Peu importe, car dans le monde où règne le principe de réalité, la soumission et la révolte, la dominance et le conservatisme auront perdu pour le fuyard leur caractère anxiogène et ne seront plus considérés que comme un jeu auquel on peut, sans crainte, participer de façon à se faire accepter par les autres comme « normal ».
[…]
Ce comportement de fuite sera le seul à permettre de demeurer normal par rapport à soi-même, aussi longtemps que la majorité des hommes qui se considèrent normaux tenteront sans succès de le devenir en cherchant à établir leur dominance, individuelle, de groupe, de classe, de nation, de blocs de nations, etc. L’expérimentation montre en effet que la mise en alerte de l’hypophyse et de la corticosurrénales, qui aboutit si elle dure à la pathologie viscérale des maladies dites « psychosomatiques », est le fait des dominés, ou de ceux qui cherchent sans succès à établir leur dominance, ou encore des dominants dont la dominance est contestée et qui tentent de la maintenir. Tous ceux-là seraient alors des anormaux, car il semble peu normal de souffrir d’un ulcère à l’estomac, d’une impuissance sexuelle, d’une hypertension artérielle ou d’un de ces syndromes dépressifs si fréquents aujourd’hui. Or, comme la dominance stable et incontestée est rare, heureusement, vous voyez que pour demeurer normal il ne vous reste plus qu’à fuir loin des compétitions hiérarchiques. Attendez-moi, j’arrive ! (p. 15-17)

… moi aussi !

26 avril 2006

au doigt et à l'œil

Alternant les projets de nouvelles et les anecdotes malicieuses (« [je m]’égare un peu en facéties» dit-il) avec des développements plus philosophiques (il cite notament Spinoza), Philip K. Dick tente dans la suite de sa conférence de définir ce qui fait de certains hommes des machines et ce qui permet d'échapper à ce sort.
Même s'il témoignent d'une foi que, rétrospectivement, on ne peut aujourd'hui que trouver beaucoup trop optimiste dans le pouvoir subversif des adolescents des années 70, les conseils du romancier sont clairs : le propre de la machine est d'être fiable et prévisible ; pour être humain, efforçons nous de pas l'être. Pour cela il faut privilégier la ruse, le détours, le détournement, la fuite ; il est urgent de désobéir, tricher, mentir, s’esquiver, faire semblant, être ailleurs.

Devenir ce que, faute d’un terme plus convenable, j’ai appelé un androïde, veut dire, comme je l’ai indiqué, se laisser transformer en instrument, se laisser écraser, manipuler, devenir un instrument à son insu ou sans son consentement - c’est du pareil au même. Mais on ne peut pas transformer un humain en androïde si cet humain a tendance à enfreindre la loi dès qu’il en a l’occasion. L’androïsation exige l’obéissance. Et, par-dessus tout, la prévisibilité. C’est justement lorsque la réaction d’une personne donnée à une situation donnée peut être prévue avec une précision scientifique que l’on ouvre grand les portes au cheval de Troie : à la production possible d’une forme de vie androïde à grande échelle. Car à quoi servirait une lampe de poche si, lorsqu’on appuie sur le bouton, l’ampoule ne s’allumait qu’une fois de temps en temps ? Toute machine doit marcher sans coup férir pour être fiable. L’androïde, comme toute autre machine, doit marcher au doigt et à l’œil. (p. 38)

Sur Philip K. Dick, on peut consulter le site officiel, en anglais, et, en français, une page du site noosphère, le ParaDick.

25 avril 2006

inverser l'analogie

Dans sa conférence « Androïde contre humain » (« Androïd and human », Vancouver, 1972), Philip K. Dick, immense écrivain de science-fiction, invite très judicieusement, sur cette question de l'homme-macine, à « inverser l’analogie » : plutôt que de se demander si un jour la vie artificielle va devenir humaine, pourquoi ne pas nous demander si l'humain n'est pas en train de devenir machine.

Et puis - même si une telle idée n’est guère agréable - tandis que le monde externe devient de plus en plus animé, il se peut que nous - les soi-disant humains - devenions, et, d’une certaine manière, ayons toujours été, inanimés au sens où nous sommes dirigés par des tropismes inhérents, plutôt que dirigeants nous-mêmes. Auquel cas nous et nos ordinateurs toujours plus perfectionnés pourrions fort bien nous rencontrer à mi-chemin.

et d'évoquer les créatures que sont devenus aujourd'hui nombre de pseudo-humains qui ne sont plus que

des instruments, des moyens plutôt que des fins, et donc, à mon sens, réduits à être semblables à des machines dans le mauvais sens du terme […]. Il s’agit ici d’humains réduits à une pure utilité - de femmes et d’hommes transformés en machines et servant un objectif qui, aussi « bon » soit-il en principe, exige l’emploi, pour son accomplissement, de ce que je considère comme le plus grand mal imaginable : l’imposition sur ce qui était un homme libre, qui riait et pleurait et faisait des erreurs et divaguait sottement ou à loisir, d’une restriction qui le contraint, malgré ce qu’il imagine ou ce qu’il en pense, à atteindre un but situé en dehors de sa propre destinée - aussi minuscule soit-elle.

Philip K. Dick, Si ce monde vous déplaît… et autres écrits, L’Éclat, 1998, p. 28 et 29

24 avril 2006

perpendiculairement rampante

[...] c'est cette forte analogie qui force tous les savants et les vrais juges d'avouer que ces êtres fiers et vains, plus distingués par leur orgueil que par le nom d'hommes, quelque envie qu'ils aient de s'élever, ne sont au fond que des animaux et des machines perpendiculairement rampantes. Elles ont toutes ce merveilleux instinct, dont l'éducation fait de l'esprit, et qui a toujours son siège dans le cerveau, et, à son défaut, comme lorsqu'il manque ou est ossifié, dans la moelle allongée, et jamais dans le cervelet ; car je l'ai vu considérablement blessé ; d'autres l'ont trouvé squirreux, sans que l'âme cessât de faire ses fonctions.
Être machine, sentir, penser savoir distinguer le bien du mal comme le bleu du jaune, en un mot, être né avec de l'intelligence et un instinct sûr de morale, et n'être qu'un animal, sont donc des choses qui ne sont pas plus contradictoires, qu'être un singe ou un perroquet et savoir se donner du plaisir.
[…] Je crois la pensée si peu incompatible avec la matière organisée, qu'elle semble en être une propriété, telle que l'électricité, la faculté motrice, l'impénétrabilité, l'étendue, etc.

écrit dans L'Homme-Machine (1747) le philosophe matérialiste Julien Offray de La Mettrie.

Ce texte est consultable en ligne, ainsi que quelques autres, sur le site de Christophe Paillard ou, dans sa version non modernisée, dans la riche Bibliotheca Augustana.

23 avril 2006

être une machine

Il est trop difficile de peindre. Les choses que je veux montrer sont mécaniques. Les machines ont moins de problèmes. J'aimerais être une machine, pas vous ?

Si je peins de cette façon, c’est parce que je veux être une machine, et je pense que tout ce que je fais comme une machine correspond à ce que je veux faire.

Andy Warhol, 1963

22 avril 2006

croquer la pomme

Tout le processus de la pensée demeure encore plutôt mystérieux, mais je crois qu’une machine pensante pourrait grandement nous aider à découvrir comment nous pensons nous-mêmes.
Alan M. Turing, Conférence à le BBC, 15 mai 1951, Archives Turing, King’s College, Cambridge

Alan Mathison Turing est l'un des premiers théoriciens de l'intelligence artificielle. Il a passé une grande partie de son existence à tenter de concevoir une machine pensante. Persécuté pour son homosexualité, il se suicide en 1954 en croquant une pomme empoisonnée au cyanure. Cette référence à Blanche Neige donnera naissance au nom et du logo de la société Apple Computer.
Quelques années avant sa mort, après son arrestation en 1952, Turing avait envoyé à un collègue un mot sibyllin en forme de syllogisme et de jeu sur le double sens du mot anglais to lie :

Turing croit que les machines pensent. Turing couche avec des hommes. Donc les machines ne pensent pas. [Turing believes machines think. Turing lies with men. Therefore machines do not think.]
Alan M. Turing, Archives Turing, King’s College, Cambridge

Les Archives Turing du King's College (Cambridge) sont disponibles en ligne.
L'article « Computing Machinery and Intelligence » (Mind, Octobre 1950), qui décrit le test de Turing, est également en ligne.

21 avril 2006

le sentiment même de soi

Pour Damasio, ce titre l'affirme, la conscience est un sentiment. Un sentiment (en simplifiant énormément, car il existe des sentiments inconscients) est ce qui naît lorsqu'une émotion devient consciente ; la conscience naît lorsque le fait de ressentir devient lui même conscient. La conscience est par conséquent un sentiment de sentiment, « le sentiment de savoir que nous éprouvons des sentiments » (p. 282).
Cela conduit Damasio à s'interroger sur la possibilité de créer une intelligence artificielle :

[…] l’idée que la conscience humaine repose sur des sentiments nous permet d’aborder le problème de la création d’artefacts conscients. Est-il en effet possible, avec l’aide d’une technologie de pointe et des connaissances neurobiologiques, de fabriquer une machine dotée de conscience ? Ma réponse comportera deux volets, l’un positif, l’autre négatif, ce qui n’est guère surprenant si on considère la nature de la question. Non, il est peu probable que nous puissions jamais fabriquer une machine dotée de quoi que ce soit qui ressemble à la conscience humaine, telle que nous la concevons, c’est-à-dire comme un for intérieur. Oui, nous sommes en mesure de fabriquer des machines dotées des mécanismes formels de la conscience ici exposés, et on pourrait effectivement dire que ces machines possèdent une forme de conscience.
Les comportements de ces machines, tels qu’ils se présentent à un observateur extérieur, reproduiront à l’identique des comportements conscients. Ils pourront correspondre à une version consciente du test de Turing.
[…] Supposons […] que les états internes de la machine reproduisent certains des schémas neuronaux et mentaux qui me semblent être au fondement de la conscience. Il y aurait alors moyen de susciter un savoir de second ordre. Toutefois, ce dernier ne pourrait, en l’absence du vocabulaire non verbal du sentiment, être exprimé de la même manière que chez les êtres humains (et sans doute chez un grand nombre d’autres espèces vivantes). L’obstacle principal est en effet le sentir : la conscience humaine pourrait bien exiger la présence de sentiments. On peut reproduire l’apparence de l’émotion, mais pas dupliquer en silicone le sentir d’un sentiment. On ne peut reproduire les sentiments sans reproduire la chair même, sans reproduire l’action du cerveau sur cette chair, ou la façon dont le cerveau ressent la chair une fois qu’il a agit sur elle.
Antonio R. Damasio, Le Sentiment même de soi, p. 310-311

20 avril 2006

voués à connaître

Nous sommes donc voués à connaître, et c'est une joie qui ne va pas sans souffrance :
La conscience est [...] à l’origine du drame de la condition humaine parce qu’elle repose sur un marché que nul d’entre nous n’a jamais conclu [...]. Le sentiment que nous avons de ce qui se passe est la réponse à une question que nous n’avons jamais posée et l’enjeu d’un marché faustien que nous n’aurions jamais pu passer. La nature l’a fait pour nous.
Antonio R. Damasio, Le Sentiment même de soi, p. 313

et ce d'autant que beaucoup de choses nous restent obscures, à commencer par toute une part du fonctionnement de notre propre cerveau :

L’inconscient, dans le sens étroit du mot que notre culture lui a conféré, n’est qu’une partie d’un vaste ensemble de processus et de contenus qui demeurent non conscients […] À vrai dire, la liste de ce que nous ne connaissons pas est stupéfiante. Elle inclut ainsi :
Toutes les images complètement formées dont nous ne nous préoccupons pas; toutes les configurations neuronales qui ne deviennent jamais des images ;
Toutes les dispositions que nous avons acquises au fil de l'expérience, qui restent inactives et ne se transformeront peut-être jamais en schème neuronal explicite ;
Le remodelage discret de ces dispositions et le travail de remise en réseau, qui ne sera jamais explicitement connu ;
Toute la sagesse et le savoir-faire caché que la nature a consignés dans des dispositions homéostatiques innées.
L’étendue de notre ignorance est décidément troublante.

Antonio R. Damasio, Le Sentiment même de soi, p. 230

19 avril 2006

summus conatus est res intelligere

Corps et esprit étant intimement liés chez Spinoza, le conatus consiste également à s’efforcer de développer sa raison, à désirer connaître : être un homme c’est tendre à comprendre et à comprendre toujours plus.
Cet effort pour comprendre n'est autre que le conatus parvenu à son plus haut degré d'efficience ; le désir de connaître est la vérité du désir d'être.
Comprendre est ainsi le fondement et la plus grande joie de la nature humaine qui connaît sa propre nature : connaître pour connaître.

Le suprême effort de l’esprit et sa suprême vertu, c’est de comprendre les choses par le troisième genre de connaissance.
[Summus mentis conatus, summaque virtus est res intelligere tertio cognitionis genere.] […]
Plus l’esprit est apte à comprendre les choses par le troisième genre de connaissance, plus il désire comprendre les choses par ce même genre de connaisance. […]
De ce troisième genre de connaissance naît la plus haute satisfaction d’esprit qu’il puisse y avoir.
Spinoza, Éthique, V, propositions 25, 26, 27